L’invisibilité du traducteur littéraire

Pourquoi, traditionnellement, le traducteur d’une œuvre littéraire n’est-il pas mentionné sur sa couverture ? Les professionnels de la traduction exigent des éditeurs le droit d’apparaître dans cet espace si important des livres afin de donner de la visibilité, de la valeur et de la reconnaissance à leur travail.

Je vous propose une petite expérience littéraire qui ne vous prendra pas plus d’une minute. Êtes-vous prêt à la faire ? Il suffit de choisir quelques livres que vous avez à la maison, mais tous doivent être des traductions d’œuvres originales. Lorsque vous les aurez, regardez attentivement la couverture de chacun d’entre eux et répondez à la question suivante : le nom du traducteur littéraire figure-t-il sur l’un d’entre eux ?

L’erreur de recherche de transparence dévalorise le rôle des traducteurs en tant que médiateurs interlinguistiques et dissimule le travail laborieux, complexe et important réalisé par ces professionnels.

L’invisibilité du traducteur littéraire

Crédit photo : Iñaki del Olmo sur Unsplash

Comme vous l’avez peut-être remarqué, la réponse est non : le traducteur littéraire ne figure pas sur la couverture de l’œuvre qu’il a traduite. Mais… pourquoi ? L’auteur israélien Etgar Keret a déclaré : « Les traducteurs sont comme des ninjas. Si vous remarquez leur présence, ils ne sont pas bons ». Cette phrase résume parfaitement le concept d’invisibilité du traducteur que Lawrence Venuti a présenté en 1995.  Traditionnellement, le traducteur littéraire a toujours été considéré comme un personnage invisible ou transparent dans l’œuvre qu’il traduit d’une langue à l’autre. En bref, les lecteurs ne doivent pas remarquer ni sa présence ni son travail de traduction dans le texte cible. Si un traducteur veut être totalement fidèle au contenu et au sens de l’œuvre originale, il ne peut pas introduire de changements ni d’éléments nouveaux dans la version traduite. Cette idée, qui s’est perpétuée au fil des ans, est connue comme étant l’illusion ou le mythe de la transparence des traducteurs. Ces derniers temps, plusieurs experts ont critiqué et réfuté ce faux mythe, car il dévalorise le rôle des traducteurs en tant que médiateurs interlinguistiques et, de plus, il dissimule le travail laborieux, complexe et important réalisé par ces professionnels.

Peu d’éditeurs mentionnent les traducteurs sur les couvertures des livres, parce que l’illusion de la transparence est profondément ancrée dans le secteur de l’édition. Nous devons continuer à nous battre pour que le travail des traducteurs soit reconnu.

Grâce aux nombreuses revendications des traductologues et des traducteurs eux-mêmes, certains éditeurs commencent à faire figurer le nom des traducteurs sur les couvertures des livres qu’ils ont traduits. Pourtant, peu d’entre eux le font pour le moment, dans la mesure où l’illusion de la transparence reste profondément ancrée dans l’industrie mondiale de l’édition d’aujourd’hui. Il faut donc continuer à se battre pour que le travail des traducteurs obtienne la reconnaissance sociale qu’il mérite et que ces professionnels occupent enfin la place d’honneur qui leur revient sur la couverture des livres.


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María Soria
info+msoria@sanscrit.net

Es filóloga inglesa, editora y traductora inglés-español. Apasionada de la escritura, tiene amplios conocimientos en corrección de textos en español y traducción literaria, humanística y jurídica. Ha traducido y autopublicado en Amazon varios relatos breves. En sanscrit, se ocupa del marketing.